mardi 10 décembre 2013

Butô et sadomasochisme. (Article publié dans Inter)

BUTOH ET SADOMASOCHISME: SADE6412 UN SOLO OBSCENE ET CRITIQUE.

Le Butoh est apparu au japon à l’aube des années cinquante. Il a été souvent lié à Hiroshima. C’est une erreur ou du moins un contre sens. Ce n’est pas tant l’horreur en soi qui a permise l’émergence de cette danse nouvelle et particulière qui dés avant les années quarante émergeait déjà. On ne dansait pas sur les ruines d’Hiroshima. Hiroshima a ouvert violemment le Japon sur le monde. Inspiré entre autre de l’expressionisme allemand des années trente et des surréalistes français en ne reniant rien des principes de la danse japonaise, nô, kabuki, kagura, bunraku,  dépouillée de ses attributs extérieurs pour ne garder que le squelette, le butoh fut certes l’expression d’une « rébellion de la chair » , d’un malaise latent qui ne demandait qu’à exploser. Mais Le butoh émergeant est à la fois une réflexion sur le Japon contemporain occupé par les américains où le danseur s’interroge sur son identité profonde, son rapport à l’autre, la perte des valeurs traditionnelles dans une société en mutation, un regard sur l’occident  et  sur l’avant-garde européenne la plus extrême. Avant-garde dont le butoh s’est nourri tout autant qu’il l’a parfois rejeté. Les premiers manifestes butoh ont puisé volontairement dans la sexualité, dont  l’homosexualité, actant une protestation qui s’opérait par l’exhibition, le corps en avant. Hijikata, le fondateur de cette danse nouvelle avec Kazuo Ohno, s’inspire pour ses premières performances manifestes de Sade, d’Artaud, Genêt, de Bataille ou Mishima… Ecrivains pour lesquels la sexualité est un acte transgressif, révolutionnaire.  1959, Hijikata Tatsumi  conçoit ce que l’on peut considérer comme son premier manifeste butoh: Kinjiki. Chorégraphie brute, inspirée de Jean Genêt,  où le jeune danseur Yoshito Ôhno, fils de Kazuo Ôhno, sollicité par Hijikata mime un acte sexuel broyant entre ses cuisses un coq vivant. Le butoh apparait déjà comme un acte performatif de l‘excès où la sexualité fait émerger l‘oppression à laquelle l’individu est soumis. Le butoh se joue des tabous et des interdits qu’il expose ouvertement. Littéralement c’est une danse cul-par-dessus tête. Les valeurs sont inversées.

« Danser pour se tuer et se retuer sans cesse. » Katzuo Ôhno

Il serait long d’expliquer ce qu’est la danse butoh exactement d’autant que celle-ci a évolué depuis quarante ans, diluée parfois et récupérée avec plus ou moins de bonheur dans la danse contemporaine. Egalement difficile de donner une définition puisque le butoh n’existe pas. Il n’existe pas en ce sens qu’il n’y a pas un butoh mais autant de butoh que de danseur. Ce qui pourrait caractériser la danse butoh est sans aucun doute le rapport au monde du danseur et son appréhension. La capacité de chaque danseur de lire les signes qui s’offrent à lui et de les recracher. Ce qu’apprend le danseur n’est pas une série de postures ou de positions. Même si certaines existent et sont nécessaires. Ce qu’apprends le danseur c’est justement le contraire. Apprendre à lâcher prise où la forme et le mouvement importent uniquement dans leur nécessité sémantique, leur urgence. Le danseur butoh se doit de disparaître. Il n’est rien, n’est que vide. Le butoh est l’art de la métamorphose. Pour ce faire il faut lâcher son moi pour atteindre un état de perception qui fera du danseur la pierre ou l’arbre, le fœtus ou le vieillard, la verge ou la vulve, le noir ou le blanc. Un danseur butoh se remplit et se vide, se fragmente, se multiplie, au gré des métamorphoses. Il doit trouver son corps archaïque, a-culturé. Comme l’exprimait avec justesse Kazuo Ôhno « danser pour se tuer et se retuer sans cesse ».

Le butoh objet d’un malentendu

Le butoh surtout est l’objet d’un malentendu. Il n’arrive en France qu’à l’aube des années quatre-vingt, et les critiques, comme le public, ne verront que les aspects extérieurs, « spectaculaires » . De fait ils passeront complètement à coté n’ayant qu’une vision stéréotypée. Corps nus et blanchis, lenteurs, figures impassibles ou grotesques…Le butoh qui arrive en Europe à ce moment là pourtant n’a rien à voir avec celui des origines. A l’image de Sankaï Juku et de son leader Amagatsu se développe une esthétique butoh qui désamorce la charge subversive et âpre des débuts. Le succès non démenti de cette compagnie désormais établie entre la France et le Japon masque pourtant un appauvrissement du sens et de la démarche même du butoh ne privilégiant que la forme au détriment du contenu. Une forme qui pourtant  initialement était un acte performatif signifiant. C’est peut être là que se joue la différence. Nous sommes passés d’un acte performatif à une acte purement esthétique ou le mouvement l’emporte sur le sens, le signifiant sur le signifié, l’esthétique sur l’urgence.

Le butoh, rébellion de la chair

Je suis venu au butoh par le théâtre. Je ressentais que jouer un texte ne suffisait pas. Que le corps aussi avait une partition à jouer qui pouvait infléchir ce qui était proféré. Démentir ou simplement apporter une étrangeté, un mystère, une poésie qui allait au-delà du sens et de la parole. Un texte en creux. Offrir plusieurs pistes possibles qui ne soient pas forcement explicites. Je voulais tout simplement m’éloigner du coté littéral pour exprimer toute la complexité de l’individu. Je suis donc venu au butoh par hasard. Je ne connaissais rien du butoh hormis les photos de différentes performances de danseurs dont j’ignorais tout. Pour un texte de Jean-Luc Lagarce, L’apprentissage, que je devais jouer et dont à mon sens le corps était un enjeu important. Un corps malade que nous refusions avec le metteur en scène de stigmatiser, de « jouer » . Il fallait que cela passe autrement. Surtout le texte étant un récit il n’y avait à priori aucun enjeu scénique. La parole se suffisait en elle-même. Que faire alors du corps ? Le butoh a permis de trouver des solutions singulières, originales et fortes. Il y avait comme deux récits enchâssés. J’ai ainsi commencé le butoh pour ces raisons. Et j’ai continué pour d’autres.

Surtout très vite j’ai rejeté une certaine esthétique butoh. J’en avait un peu assez d’être un arbre qui grandit et ploie sous les éléments. Il me semblait qu’il y avait autre chose, qu’il pouvait y avoir un autre rapport au monde, un autre engagement. Replongeant dans l’histoire du butoh j’ai trouvé enfin matière à exprimer  ce qui pour moi importe aussi bien au théâtre que dans la danse, quoique refusant les étiquettes je ne fasse plus la distinction entre les deux, c’est-à-dire un engagement total que je considère comme politique. Volontairement j’ai pris une partie de ce qui fut à l’origine de cette danse. Cette « rébellion de la chair »  surtout qui fait référence à une des création emblématique du fondateur du butoh Tatsumi Hijikata. J’ai de nouveau déplacé la danse butoh vers la performance en axant le corps au centre d’un processus créatif en constante évolution. Une phrase du danseur Boris Charmatz a pour moi été comme un déclic: « Nous inventons le rebutoh: parce que nous avons besoin de butoh à nouveau et que rebutant doit être le butoh nouveau, loin des clichés du genre ». Phrase étonnante mais juste et lucide de la part d’un danseur non apparenté au butoh mais qui de l’extérieur était sans doute plus à même de dénoncer une dérive actuelle. Il ne s’agissait plus d’esthétisme mais bien d’engagement, d’un retour aux fondamentaux. A savoir un positionnement résolument et doublement critique. Redéfinir le butoh participait obligatoirement d’un regard sur la société. Que ma danse se devait d’être effectivement rebutante, éloigné volontairement d’une esthétique sclérosante au profit d’un discours engagé. Je ne nie pas non plus l’influence importante et indirecte de plasticiens et performers, Gina Pane, Martina Abramovic, Orlan, Pennone, Sophie Calle ou encore plus récemment Steven Cohen. Boris Charmatz, Anna Halprin, Pina Bausch, DV8, Jan Fabre pour la danse, Rodrigo Garcia,  Nokolaï Kolyada, Claude Regy pour le théâtre.

 J’ai pris le sexe à bras le corps. Le sexe comme l’affirmation d’une identité, le sexe comme une pratique singulière et comme révélateur des tabous d’une une société sclérosée et contradictoire de plus en plus crispée et réactionnaire. Qui accepte la vulgarité mais non l’obscénité. Autrement le vide et non le plein.

Obscénité critique

Immorale, impudique, indécent sont les synonymes d’obscène. Ce qui renvoie à la morale, la pudeur et la décence. Si l’obscène consiste à la mise en scène du corps, sa dramatisation, et de situations tabous pour une société, autrement dit transgressives pour l’ordre et le politique alors sans doute je suis obscène, et toute représentation critique de même est obscène. Rien que de très banal que d’affirmer que l’obscénité est une transgression de la morale. Il y a exhibition de l’intime, comme on exhibe ses parties génitales dites justement intimes. C’est ce dévoilement gratuit, cette impudeur provocante qui paraît obscène. Plus encore quand il y a acte sexuel  explicite et frontal. Ce qui peut caractériser l’obscénité  est ce renversement qui fait se basculer l’intime dans le champs public. Surtout quand ce renversement volontaire cristallise toutes les crispations d’une société bien pensante. Ce n’est pas tant la représentation du corps nu qui est obscène mais son usage volontaire et résolu. Quand celui n’est plus un artifice esthétique, un artefact, une parodie, mais qu’il désigne une réalité inavouée, ob-scène justement, dénonçant un hors-champs. Et que ce hors champs en  lui-même est transgressif. Doublement transgressif en ce qui me concerne, homosexuel et sadomasochiste. Il y a rupture d’un ordre établi et dans cette rupture ce focalise l’obscène. L’obscène révèle. Il dénonce également le regard porté. Et c’est justement sur cette notion d’obscène et son corolaire, le regard, que ma dernière performance portait.

L’obscène et sa représentation: une question de regard

SADE6412 est donc une interrogation sur l’obscénité et sa représentation. Qu’est qui est le plus obscène entre le regard porté sur l’objet et l’objet lui-même? Le butoh, danse de la métamorphose, porte en lui une forte charge émotive, érotique, sexuelle, animale (une « animalité humaine » pour reprendre Georges Bataille). En cela est il obscène ? En résulte une alternative : s’en saisir, l’embrasser, s’en pénétrer ou s’en détourner, occulter, refuser de la voir. Jouer de la réalité et de sa métaphore. Il ne s’agit pas de transgresser mais d’alterner de l’un à l’autre. Mettre à nu et côte à côte l’objet et sa métamorphose, dépouillés ici de tout stéréotype ou de fantasme propre au fétichisme et au sadomasochisme, objet de cette interrogation. Entre sa représentation nue, crue, attendue et de sa réinterprétation, c’est aussi proposer une alternative au spectateur. Ne rien lui imposer pour qu’il puisse de lui-même faire son choix. Entre l’objet scandaleux, dit obscène, et sa métamorphose. C’est pourquoi le danseur est isolé, à l’opposé de l’écran où se déroule l’objet du délit. Objet auquel le danseur à également participé. En choisissant l’une ou l’autre des propositions le spectateur devient soit pornographe soit chorégraphe.

Butoh et sadomasochisme, une question d’énergie

Sadomasochiste, j’explore tous les possibles du corps. Danseur Butoh, j’explore également ces possibles. J’ai découvert là une même et singulière énergie, une capacité à s’affranchir des limites imposées pour ne reconnaître que les siennes propres tant physiques que mentales qu’il faut sans cesse repousser. Dans le premier cas il y a ce que Foucault appelle « un corps utopique ». Un corps masqué qui se donne à voir dans un milieu donné, avec ses codes vestimentaires et relationnelles. J’expose mon corps comme je souhaite qu’il soit vu et tel que je le vois. Pour les non-pratiquants, aussi,  c’est un objet de fantasme qui véhicule nombres de clichés où l’objet porte en lui-même toute une charge émotive, érotique, qui est bien loin de la réalité. Il faut savoir dépouiller le sadomasochisme d’un certain fétichisme. Les deux ne sont pas forcément liés même si parfois ils sont complémentaires. C’est pourquoi à l’opposé de ce qui est projeté, je danse nu, traditionnellement peint en blanc, dépouillé de toute référence attendue. Cette nudité, cette crudité,  ne donne aucune prise. Le corps est ainsi brut, ne reste alors que l’énergie déployée, que la danse, qualifiée par certain d’obscène car justement dépouillé de tout artifice. Paradoxe qui souligne combien l’obscène est dans le regard porté et non dans l’objet lui-même. Le corps devient le miroir de nos propres fantasmes inavoués.

C’est une danse abstraite qui ne raconte  « rien » ou du moins qui ne donne pas de prise. Il ne s’agit en aucun cas d’illustrer. Le butoh est avant tout l’art de la métamorphose. Les images crées ne sont que la partie souterraine de l’objet dansé, ce qui sous-tend le propos non le propos lui-même.  Ce qui se danse ici, l’enjeu dirai-je, c’est une énergie. La même qui est produite, que je ressens, lors d’une séance sadomasochiste. Toutes les sensations provoquées, le ressenti vécu, c’est cela justement que j’essaie de traduire sur mon minuscule plateau. Ce que l’on pourrait qualifier de transe. La même que j’atteint en séance sadomasochiste avec mon master. Celle qu’il me fait atteindre. Seulement, j’ôte sur scène tous les repères attendus. Ce qui se danse est au-delà de la représentation. C’est une énergie qui n’est pas de l‘ordre de la représentation classique. Comme le butoh est toujours à rechercher au-delà du butoh, je tente d’aller au-delà de la représentation, d’un inventaire convenue d’images attendues. D’autant que le sadomasochisme est à chercher également au-delà de son objet. Le regard du spectateur est alors libre de choisir. Se dépouiller à son tour de tout clichés ou, affolé, chercher des références absolument.


Le film d’Eric D. projeté à l’opposé du danseur brouille également les repères. Volontairement explicite et illustratif, il donne à voir, enfin, le sujet attendu. Mais sachant que la performance en aucun cas, du moins en apparence, ne semble l’illustrer doit on s’y référer ou non ? Sachant que le danseur est également acteur et sujet de ce film sadomasochiste, que ce film malgré tout fait partie intégrante de la performance, que dois je voir, moi spectateur, dans ce film ? Un objet obscène, un objet artistique, les deux ? Quels sont les points communs entre ce qui se danse et ce qui est projeté? Quel est le lien? L’obscénité du premier rejaillit elle sur le second ? La danse, en référence au film, devient elle obscène ? Ou est elle obscène parce que je le décide, parce que je la définie en corollaire avec la projection ? Ou inversant la proposition j’essaie tout simplement de chercher un point commun qui ne soit pas justement dans l’ordre de la représentation mais au-delà ?..En séparant le danseur du film, en les dissociant, je laisse aux spectateurs l’ambiguïté d’un choix. C’est tout l’enjeu de cette performance qui oblige chacun à se situer devant un objet et à le définir comme obscène. Ou pas.



Corps en scène, regard obscène

 C’est également toute la question du corps en scène. Qu’est-ce qui le rend obscène. Le regard ? Un regard formaté, répondant à des normes culturels et des interdits, des tabous ? Le regard est chargé de mémoire, saturé d’images. C’est un regard éduqué. Notre regard est avant tout la résultante d’une conscience altérée. Je regarde donc je suis.  Ou ce que je regarde fait ce que je suis. Comme le refus de regarder. Ce que je propose est justement une transgression du regard, une autre alternative. Ma danse est dite obscène par référence. Surtout la présence du corps butoh  immédiate- le corps est « ici » - fait que ce corps est sans interface. Il n’y a pas d’intermédiaire, pas de transition qui le projetterait ailleurs, dans un autre espace,  comme le film qui permet une certaine distanciation où l’objet peut rester dans l’ordre du fantasme, de la transgression sans aucunement impliquer le spectateur. Il y a regard mais non agression. Cette obscénité là demeure encore acceptable, à la limite normative, attendue. Mais la danse, cette exhibition, est sans appel. Elle est doublement obscène. Par référence comme déjà écrit mais aussi par cette proximité insoutenable et dépouillée de tout attribut qui lui assignerait une fonction. C’est le regard porté et simplement le regard porté sur ce corps qui le définira comme obscène. Surtout que le corps, celui là même qui danse sur le plateau, est le même que celui filmé. Il y a comme une matérialisation malgré la métamorphose qui empêche alors toute abstraction ou distance. Un effet miroir qui renvoi indubitablement à sa propre mémoire, sa propre histoire, son inconscient social. A moins que de se déciller. Le regard du spectateur habille mon corps et le revêt d‘attributs inconscients qui lui sont propre. En cela le regard fabrique aussi un corps utopique. Il y a transfert.

Butoh et sadomasochisme, acte critique

Le butoh est dite danse des ténèbres mais c’est parce qu’elle ouvre à la lumière. Elle révèle l’inconscient, ce que j’appelle le corps archaïque, a-culturé, où la notion de tabou n’existe pas.(N’y voyons pas non plus d’innocence.) Disons que le butoh touche des fondamentaux exempt de jugements. Dont la sexualité. Le sadomasochisme dépasse ces mêmes jugements. Il y a un affranchissement des limites où les seules règles sont celles que l’on s’octroi, affranchi du regard également de la société. Chaque danseur butoh doit trouver son propre butoh, sa danse intime. Le sadomasochisme révèle également l’individu qui le pratique. En cela les deux disciplines ( sans jeu de mot) se rejoignent.

Pour le pratiquant que je suis c’est avant tout transgresser deux fois. Une première fois parce que homosexuel je suis déjà « en marge » et une deuxième fois parce que homosexuel et sadomasochiste. C’est une frange extrême dans le milieu homosexuel. Cette double transgression amène naturellement une liberté totale, un affranchissement des codes et conventions sociétales et communautaires. La relation maître/esclave est une relation courtoise où l’esclave domine puisque son maître ne peut franchir les limites imposées par son slave. Limites qui d’un commun accord sont repoussées au fur et à mesure de leur relation consentie… C’est également pour moi une revendication politique que de toucher et jouer avec des tabous extrêmement forts. Sexualité, homosexualité, soumission, domination, douleur, plaisir…Au sein même de la communauté homosexuelle et  de la société tout court. Surtout en cette période de récession , de crise qui voit un relent réactionnaire revenir en force ou la sexualité devenant un enjeu politique est dénoncée quand elle n‘est pas normative. Une société réactionnaire dénonce toujours le corps d’autrui et la sexualité non « normative » comme un facteur de trouble, un objet condamnable qu’il faut maîtriser. Maîtriser la société, le corps social, c’est en premier maîtriser le corps individuel. En mettant en avant cette sexualité doublement transgressive, en déplaçant l’acte « intime », caché, vers un geste performatif et public il est certain que je montre du doigt certaines limites desquelles je me suis affranchies. En faisant d’une pratique dite obscène un objet scénique j’oblige à redéfinir non le terme obscène mais le regard porté sur l‘acte ainsi métamorphosé. Surtout en n’édulcorant pas, en ne cédant sur rien les images proposées comme il m’a été demandé parfois. La danse agit comme un révélateur, une catharsis. Surtout j’affirme la force d’un corps affranchi. Ce que je revendique aussi c’est tout simplement que mon corps m’appartient. Comme il devrait appartenir à chacun. La danse butoh fut pour moi la première étape dans la réappropriation du corps. Comme le fut le sadomasochisme plus tard. Si mon corps est obscène c’est plus   par ce qu’il révèle des spectateurs que parce qu’il révèle de lui-même…